Je voudrais arguer ici de ma première vie professionnelle de scientifique pour faire aujourd'hui un peu de pédagogie. Je me lance donc dans un truc du genre le réchauffement climatique pour les nuls ou la saga du RC en 10 épisodes. Ceux qui ont fait Réchauffement Climatique première langue, vous pouvez attendre le billet de la semaine prochaine, je n’en prendrai pas ombrage. Bon je vous préviens, c’est à ma sauce.
Episode 1 : Plantons le décor
Le climat de la Terre a toujours varié : plus chaud, plus froid, périodes glaciaires, interglaciaires… Ces variations de quelques degrés se font sur des temps longs de plusieurs milliers d’années. Elles sont, en grande partie, dues à l’activité solaire ou aux variations d’orbite terrestre ou encore d’inclinaison des pôles. De temps à autres, quelques épisodes cataclysmiques -comme de puissantes éruptions volcaniques- viennent troubler un peu ces grands balancements, soit en refroidissant l’ambiance (une seule violente éruption qui opacifie l’atmosphère), soit en la réchauffant (longues périodes d’activités volcaniques qui envoient dans l’air plein de gaz à effet de serre) et justement on en parle après.
Episode 2 : Le clan des GES
Certains gaz présents dans l’atmosphère (même en petite quantité) ont la fâcheuse particularité de retenir la chaleur. On les appelle les gaz à effet de serre (GES pour les intimes). Le chef de la bande est le gaz carbonique (plus connu sous le nom de CO2) mais il a aussi quelques acolytes malfaisants propres à se chauffer facilement comme le méthane ou le protoxyde d’azote. Evidemment, plus y a de GES dans l’atmosphère, plus ça se réchauffe, logique. L’effet de serre, c’est un truc découvert par les physiciens (l’ami Fourrier en l’occurrence) il y a environ 200 ans, donc là, rien de nouveau sous le soleil, si j’ose dire.
Episode 3 : On tient le coupable
Si une partie des émissions de GES est d’origine naturelle (les êtres vivants, les volcans…), une grande part est aujourd’hui liée aux activités humaines. Le fait de brûler à gogo des énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz) y contribue fortement pour le CO2. L’agriculture a aussi un impact majeur, notamment par la déforestation, l’épandage, les rizières ou les flatulences des bovins (et ne rigolez pas niaisement, c’est vrai).
Episode 4 : On ne déloge pas le CO2
Quand le CO2 part dans l’atmosphère, il n’y va pas pour passer le week-end. C’est un gaz stable, il est là-haut en général pour quelques millénaires. Les capacités d’absorption du CO2 par la planète (les forêts et les océans) sont largement insuffisantes pour éponger le surplus (et ça va pas s’améliorer). Donc, le corollaire au fait qu’il tape l’incruste en altitude et que la planète en absorbe peu, c’est qu’il s’accumule. On en revient à l’Episode 2 : plus de GES = plus de degrés.
Depuis le début de l’ère industrielle, on a relâché environ 2000 milliards de tonnes de CO2. On en émet chaque année environ 33 milliards de tonnes. Ça semble se stabiliser autour de cette valeur actuellement, ce qui est mieux mais pas vraiment une bonne nouvelle (je me répète, il s’accumule).
Episode 5 : Plus 2 degrés, mais par rapport à quoi ?
Quand on parle de 2 ou 3 degrés en plus, on parle d’une comparaison entre la température au début de l’ère industrielle (vers 1850) et la température qu’il fera en 2100. Actuellement, les prévisions des scientifiques oscillent pour 2100 entre +1,5°C (ça on peut déjà oublier c’est la hausse qu’on aura déjà en 2030) et +8 ou 9°C ou plus ? (je sais plus combien, si ça arrive, de toute façon y aura plus personne pour se préoccuper de tenir le thermomètre). Les prévisions semblant les plus réalistes balancent pour l’instant entre + 3 et + 6°C.
Episode 6 : Plus 5 degrés, un truc de ouf
+ 5°C de moyenne de température planétaire, on ne sait pas trop ce que ça signifie réellement. Par contre – 5°C ça on connait. C’est la température moyenne qui nous sépare de la dernière glaciation (20 000 ans). A cette époque, l’Europe du nord était entièrement recouverte de glace, la Manche n’existait pas et Paris connaissait la température moyenne de St-Petersbourg aujourd’hui.
Alors moi + 5°C, j’imagine juste quelque chose qui ressemble à l’enfer sur Terre, un truc dantesque « Lasciate ogni speranza, voi ch'entrate».
Episode 7 : + 2°C c’est ce qui nous attend en 2040 et pas en 2100
Autre mauvaise nouvelle qui vient des dernières études et projection sur le sujet (5), les 20 prochaines années sont déjà scellées. Quoi que nous fassions, dans 10 ans la température sera autour de + 1,5°C et, dans 20 ans, autour de + 2°C. Donc, ce que nous allons faire maintenant, dans les années qui viennent, déterminera ce qui va se passer après 2040. Alors, vu la tournure des évènements, je vous conseille pas de faire tapis avec vos économies sur la case « vous inquiétez pas les gars on va limiter ça à + 2 degrés ». Une intuition comme ça,….
Episode 8 : Le réchauffement climatique, c’est pas partout pareil
Quand on parle, par exemple, de + 3°C sur la planète, ce n’est pas un truc uniforme. Il existe des endroits où ce sera plus et d’autres moins. On n’est pas tous égaux sous le soleil. Par exemple, les pôles, les montagnes, les villes, les zones continentales vont plutôt en prendre plein le thermomètre. Il existe des endroits qui vont s’assécher comme le Maghreb (ça a déjà commencé) ou le sud de l’Afrique et d’autres où les pluies vont se renforcer (plus de chaleur = plus d’évaporation donc très grosses draches à l’horizon comme diraient mes amis nordistes).
Episode 9 : Le réchauffement climatique aura des effets directs
Le réchauffement climatique c’est l’association d’un ensemble de trucs lents qui montent doucement (la température, la mer, la perte de la biodiversité…) et d’un ensemble d’évènements cataclysmiques de plus en plus violents et de plus fréquents dans le style les 10 plaies d’Egypte (mais sans les grenouilles) : sécheresses, canicules, tornades, orages ultra-violents, inondations, épidémies, pandémies…
Episode 10 : Mais surtout des effets indirects
Le plus inquiétant ce ne sont pas les effets directs mais ce qu’ils vont provoquer sur nous, les 8 ou 9 milliards de sapiens sédentaires : famines, émigrations climatiques, révolutions, guerres, dictatures, obscurantisme… Grenouille affamée n’a pas d’oreille et pas beaucoup de cerveau non plus. Dans un monde à + 5°C, on peut tout imaginer et surtout le pire, tout en restant certainement en-dessous de la réalité.